Massacres, massacres, massacres !
Dans les villes natales et hors des villes natales,
Et les barbares saccageant et revenant couverts du sang
Des morts et des agonisants.
Des multitudes de corbeaux passent au-dessus,
Avec des becs pleins de sang et des éclats de rire d’ivrognes….
Un même vent étrangle de rage les mourants ;
Et des convois de femmes sans voix et souffrantes
S’enfuient précipitamment par les larges routes…
Du sein de la nuit s’élève l’odeur du sang
Qui esquisse, avec les arbres, des étangs.
Et de toutes parts, avec terreur, se précipitent, harcelés,
Les troupeaux de bétail à travers les champs de blé incendiés…
Dans les rues, je vois des générations égorgées
Et des foules revenant de carnages indicibles…
Une chaleur tropicale s’élève
Des nobles villes qu’on incendie…
Et sous la neige qui tombe avec le poids du marbre,
La solitude des ruines et des morts a froid.
Oh ! écoutez l’effrayant crissement des corbillards
Sous le poids des cadavres empilés dessus,
Et les prières des hommes endeuillés en larmes !
Ils s’allongent par un sentier vers la fosse commune.
Ecoutez les derniers bruits des agonisants
Accompagnés des coups du vent qui massacre les arbres…
Oh ! ne vous approchez pas, ne vous approchez pas,
Surtout n’approchez pas des cimetières, ni de la mer !
Sur les eaux rouges, je distingue au loin des bateaux
Contenant des morts entassés ;
Et sur les entrailles se tordant de douleur,
M’apparaissent des crânes et des jambes…
Ecoutez, écoutez, écoutez,
Le rugissement de la tempête dans les vagues de la mer !
Massacres, massacres, massacres !
Ecoutez, écoutez, écoutez,
Le hurlement funèbre des chiens terrifiés
Qui m’arrive des vallées et des cimetières.
Oh ! fermez les fenêtres, et aussi vos yeux…
Massacres, massacres, massacres… !
SIAMANTO- 1878-1915
traduction Louise Kiffer