MOTS D’UN ELOIGNEMENT
Il y a tant de feux que j’ai éteints, dans mes yeux
et dans mon âme, désespéré, tant d’astres que j’ai éteints.
Ma vie, devenue souvenir ; ne maudis pas mon départ au loin,
Ma vie passe et s’éteint, mais il y a mon amour, qui vit encore.
Ma vie passe, s’éteint, comme un feu dans un marécage,
Sans projet et indécis, inconsolé et désespéré.
Dans mes chants, -le sais-tu ?- personne ne me connaît,
Comme si un autre chantait, la nostalgie bleue de mon âme
Eternellement fermé et muet, je vagabonde et me tais.
Personne, personnne ne sait, ce que peut être ma vie, fière.
Moi seul sais, dans la vie, quels chants j’ai écrits.
Je sais aussi que toi, tu es, Et que quelqu’un t’aime.
Moi, je chante ton âme, ton sourire lumineux,
De tes yeux et ton visage la tristesse sacrée.
Laissant ma vie infinie, je chante le profond amour
Et le regret de mes bras qui ne t’ont jamais atteinte…
Ah ma sœur, voilà que s’approche mon soir nébuleux
Que puis-je faire pour que mon âme ne tressaille pas de regret,
Comment, comment, puis-je accepter la coupe vidée de ma vie,
Pour que mes mains ne tremblent pas, que mes jours me pardonnent.
Et soudain j’ai un doute, je ne sais pas moi-même,
Et si c’était une illusion la nostalgie sacrée de ton âme ?…
Quoi que ce soit, sœur, ma sœur, ne maudis pas mon éloignement,
La pauvre nostalgie de mes bras qui jamais ne t’ont atteinte.
1917
Yéghiché TCHARENTS (1897-1937)
traduction Louise Kiffer