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mardi 20 mars 2012

LES COUTURIERES

LES COUTURIERES
 
Elles sont là, devant la machine à coudre
Au premier rayon du soleil
Et coudront jusqu’à la nuit sans relâche,
S’abreuvant de jour jusqu’à tomber de sommeil.

La commande presse, le travail exige du soin,
Il le faut, sinon, c’est le chômage demain
Qui met à la merci de la misère
Dont le spectre est toujours là, montrant ses crocs.

Ainsi besognent-elles pour un patron
Qui les exploite sans pitié.
Révoltée ou soumise, la couturière
Chaque jour pose en tremblant son coeur sur son pain.

Elles sont les prisonnières malheureuses
De la fortune des grandes villes luxueuses
Et leur vie goutte à goutte s’écoule
Dans la coupe de la richesse et des orgies.

Voici les vieilles sans secours dont les mains sèchent,
Les veuves lasses qui ont tout perdu dans la vie,
Les jeunes filles adorables aux rêves sans mesure,
Qui sans se plaindre, engloutissent leur vie dans la misère.

Le travail sacré s’est changé en monstre.
On s’épuise à vouloir lui échapper
Mais sa griffe est puissante, elle asservit
Lentemant les âmes les plus nobles.

Lorque je vois cette lumière dans vos yeux
Qui s’éteint peu à peu pour un morceau de pain,
O mes soeurs, j’ai le coeur qui saigne, je voudrais
De votre épaule ôter le fardeau de la vie.

Et je serre les dents, et je serre les poings,
Haine et vengeance au fond du coeur...
Versez en moi votre souffrance, pour ranimer la flamme
Sacrée, de la lutte contre l’exploitation.

                                                     
  1926                                 Missak MANOUCHIAN (1906-1944)

                                   Poème dédié aux couturières de ParisRevue "EUROPE" Littérature arménienne" fév.mars 1961, PARIS

Missak Manouchian, héros de la Résistance
Fusillé en 1944 avec 23 compagnons.
Sa vie a inspiré le film " L’Affiche Rouge " de Frank Cassenti

mardi 13 mars 2012

SOIF

Mon âme écoute le trépas du crépuscule
Agenouillée sur la terre lointaine de la souffrance
Mon âme boit les plaies de la terre et du crépuscule
Et ressent encore en elle la pluie de ses larmes…

Et les étoiles des vies entièrement massacrées
Si semblables à des yeux disparus
Ce soir dans les vasques de mon cœur
Attendent dans leur désespoir la réanimation.

Et les fantômes de tous les morts, cette nuit,
Vont attendre l’aube de mes yeux et de mon âme,
Afin que pour assouvir la soif de leur vie
Tombe peut-être d’en haut sur eux une goutte de lumière.

                                                SIAMANTO (1878-1915)

                                                Traduction Louise Kiffer
source :
le journal ARAXE en arménien du 25 avril 1954
consacré à la commémoration du deuil d’Avril
Ce poème en arménien :
http://www.armenews.com/IMG/Araxe_25_04_1954.pdf

mercredi 7 mars 2012

CHANT FUNEBRE

CHANT FUNEBRE 
( Aha Modétsan mahvan jaméres
Al tchém imanar polor tsavéres...)

 
Voici que s’approchent les heures de ma mort,
Je ne ressens plus toutes mes douleurs,
Je me sépare de toi, ma charmante fleur,
Mais mes pauvres yeux ne cessent de te voir,
Comment me séparer, mon amour est si ardent
Mais c’est inutile, c’est Dieu qui est mon maître.

Patiente un peu, ô mort terrible,
N’as-tu pas pitié de mon cœur douloureux ,
Patiente un peu que je tienne mon amour
Et après cela que je dorme tranquille.
Comment me séparer, mon amour est si ardent
Mais c’est inutile, c’est Dieu qui est mon maître.

Quand je pense que dans un ou deux heures,
Vont me recouvrir, la terre et les vers,
Vont me percer, me perforer de tous côtés,
Mon tendre corps vont le sacrifier.
Comment me séparer, mon amour est si ardent
Mais c’est inutile, c’est Dieu qui est mon maître.

Bedros TOURIAN (1851-1872)

(traduction Louise Kiffer)

Voir la vie du grand et malheureux poète Bedros Tourian dans netarménie :

avec deux de ses poèmes traduits par le Dr. B. Minassian
 
http://www.netarmenie.com/culture/poesie/tourian.php

samedi 3 mars 2012

"JE VOUDRAIS VOIR.."

Je voudrais voir quelle force au monde peut détruire cette race,
cette petite tribu de gens sans importance
dont l'histoire est terminée,
dont les guerres ont été perdues,
dont les structures se sont écroulées,
dont la littérature n'est plus lue,
la musique n'est pas écoutée,
et dont les prières ne sont pas exaucées.

Allez-y, détruisez l'Arménie !
Voyez si vous pouvez le faire.
Envoyez-les dans le désert.
Laissez-les sans pain ni eau.
Brûlez leurs maisons et leurs églises...


Voyez alors s'ils ne riront pas de nouveau,
voyez s'ils ne chanteront ni ne prieront de nouveau.
Car il suffirait que deux d'entre eux se
rencontrent, n'importe où dans le monde,
pour qu'ils créent une nouvelle Arménie. "

                    William Saroyan (1908-1981)

                     Traduction Louise Kiffer


Voir aussi de William Saroyan :

Le texte n° 104 : " L’Arménien et l’Arménien "
Et les n° 174 et 175 :
" Vers Bitlis avec William Saroyan "
http://armenweb.org/espaces/louise