Rechercher dans ce blog

mercredi 28 décembre 2011

A MON FILS

Que tu sois avec moi ou sans moi, mon très cher fils, tu vas encore grandir,
Avec mon aide ou sans mon aide, tu vas encore comprendre,
La façon dont on doit vivre dans ce monde, la façon dont on doit regarder ce monde,
Ce qui n’a pas de valeur dans ce monde, et ce qui n’a pas de prix dans ce monde.
Je ne tolère ni ne respecte ceux qui me font la morale,
J’ai toujours détesté, mon fils les discours fades, et les piquants,
Mais si je te lis, mon chéri, un sermon maintenant,
C’est seulement parce que souvent, très souvent dans la vie d’un homme,
Si le temps a une large part, le siècle à une large part,
Le chemin qu’il a choisi lui-même n’est pas non plus de peu d’effet.

Peut-être que, comme moi, tu seras aussi entouré de ceci :
J’ai regardé souvent autour de moi, j’ai éprouvé de l’envie pour ces gens,
Dont la vie passe si aisément – comme si c’était un chemin de gravier,
Sans nulle barrière ni mur, comme un règle plate et droite,
L’école et ensuite, comme un insouciant, un sonneur de grosse cloche influent,
Et sa place au chaud est assurée… Tu ne peux pas vivre de cette façon-là !
Je ne voudrais pas que ta vie soit comme un chemin de gravier plat.
Ne passe pas sur une route asphaltée, il faut que tu préfères construire une route !
Vis toujours paisiblement avec amour, mais ne te détourne pas de la souffrance ;
Elle nettoie l’œil de la poussière de l’œil, elle nettoie l’âme de la rouille de l’âme.
On ne meurt pas de souffrance, mais on devient encore plus fort,
Plus tard le cœur qui s’est rétabli, supportera sa peine plus facilement.
Ah, ne miaule pas, ton père n’a jamais supporté ceux qui miaulent…

Il vaut mieux, mon fils, que tu arroses tes yeux avec des larmes amères,
Et que tu continues sur ton propre chemin. Laisse-le plein de pierres,
Mais si dans ton âme repose un besoin de bonté, de gentillesse et d’amour,
Tu ne seras pas fatigué, mais tu marcheras et escaladeras la montagne.
Car si quelqu’un a besoin d’un esprit, pour cela il n’a pas besoin d’ailes.
Tu dois être bon en toute chose, quel genre de personnes sont mortes de faim ?
Il n’y a pas d’exil pour ce qui est vrai – pourquoi se taire face aux mensonges ?
Certes autour de nous il y a des gens qui courbent la tête quand il le faut,
Qui vitupèrent quand il le faut, qui se taisent ou sourient quand il le faut,
Ils montrent du doigt s’il le faut… Ne sois pas si immature dans la vie,
Toi, comprends maintenant mes paroles, n’oublie pas, n’oublie jamais, mon fils :
Que la bonté est la seule chose immuable quoi qu’il arrive,
Elle a une face blanche, mais jamais sept ou huit garnitures colorées…
Ne te plains pas ; tu te souviens ? 
   "  Les jours de malchance… viennent et s’en vont. "
Ne te plains pas. Si tu as recherché la bonté, atteints-là toi-même…
Ne te plains pas, mais ne lis pas la vie comme si ce n’était qu’un livre,
Juste un livre, loin de toi, comme s’il était question d’hommes étranges…

Sois toujours fier, mais pas arrogant (seuls les vaniteux sont arrogants,
Ton père agissait ainsi pour distinguer les sages des fous).
Sois toujours fier comme ton père, de n’avoir jamais ruiné la maison de quiconque,
De n’avoir jamais coupé un mot aimable, de n’avoir jamais enfermé un esprit aimable,
Puisque tu as marché droit dans ta vie, et si tu as entendu souvent cela,
C’est pour l’unique raison que des affaires mesquines n’ont jeté souvent
sur le marché que toutes sortes de foules bruyantes superficielles,
mais tu n’as pas de futilités, tu n’as même pas de fausse monnaie…

Tu es encore jeune, tu ne sais pas encore comment on doit regarder la vie elle-même.
Tu es encore jeune. Quand tu grandiras et deviendras un adulte mature,
Mes conseils te sembleront peut-être si vieux et inutiles,
Peut-être que dans la vie il n’y aura pas autant de blessures et de défauts.
Ah ! que Dieu veuille ! Je ne rêve jamais de rien d’autre dans cette vie,
(l’aveugle, mon fils, comme tu le sais bien, ne désire qu’une paire d’yeux).

Mes conseils, laisse-les vieillir… C’est seulement ainsi que la fleur meurt,
Quand sur l’arbre en été elle devient un fruit mûr.
Pour la cause du prochain feu, je suis prêt à brûler aujourd’hui,
Pour la cause de la vérité de demain, laisse-moi aujourd’hui être dans l’erreur…

                                                                         Barouyr SEVAG

                                     Poème arménien traduit en français par Louise Kiffer,
                                      d’après la version anglaise de Shant norashkharian.