Que tu sois avec moi ou sans moi, mon très cher fils, tu vas encore grandir,
Avec mon aide ou sans mon aide, tu vas encore comprendre,
La façon dont on doit vivre dans ce monde, la façon dont on doit regarder ce monde,
Ce qui n’a pas de valeur dans ce monde, et ce qui n’a pas de prix dans ce monde.
Je ne tolère ni ne respecte ceux qui me font la morale,
J’ai toujours détesté, mon fils les discours fades, et les piquants,
Mais si je te lis, mon chéri, un sermon maintenant,
C’est seulement parce que souvent, très souvent dans la vie d’un homme,
Si le temps a une large part, le siècle à une large part,
Le chemin qu’il a choisi lui-même n’est pas non plus de peu d’effet.
Peut-être que, comme moi, tu seras aussi entouré de ceci :
J’ai regardé souvent autour de moi, j’ai éprouvé de l’envie pour ces gens,
Dont la vie passe si aisément – comme si c’était un chemin de gravier,
Sans nulle barrière ni mur, comme un règle plate et droite,
L’école et ensuite, comme un insouciant, un sonneur de grosse cloche influent,
Et sa place au chaud est assurée… Tu ne peux pas vivre de cette façon-là !
Je ne voudrais pas que ta vie soit comme un chemin de gravier plat.
Ne passe pas sur une route asphaltée, il faut que tu préfères construire une route !
Vis toujours paisiblement avec amour, mais ne te détourne pas de la souffrance ;
Elle nettoie l’œil de la poussière de l’œil, elle nettoie l’âme de la rouille de l’âme.
On ne meurt pas de souffrance, mais on devient encore plus fort,
Plus tard le cœur qui s’est rétabli, supportera sa peine plus facilement.
Ah, ne miaule pas, ton père n’a jamais supporté ceux qui miaulent…
Il vaut mieux, mon fils, que tu arroses tes yeux avec des larmes amères,
Et que tu continues sur ton propre chemin. Laisse-le plein de pierres,
Mais si dans ton âme repose un besoin de bonté, de gentillesse et d’amour,
Tu ne seras pas fatigué, mais tu marcheras et escaladeras la montagne.
Car si quelqu’un a besoin d’un esprit, pour cela il n’a pas besoin d’ailes.
Tu dois être bon en toute chose, quel genre de personnes sont mortes de faim ?
Il n’y a pas d’exil pour ce qui est vrai – pourquoi se taire face aux mensonges ?
Certes autour de nous il y a des gens qui courbent la tête quand il le faut,
Qui vitupèrent quand il le faut, qui se taisent ou sourient quand il le faut,
Ils montrent du doigt s’il le faut… Ne sois pas si immature dans la vie,
Toi, comprends maintenant mes paroles, n’oublie pas, n’oublie jamais, mon fils :
Que la bonté est la seule chose immuable quoi qu’il arrive,
Elle a une face blanche, mais jamais sept ou huit garnitures colorées…
Ne te plains pas ; tu te souviens ?
" Les jours de malchance… viennent et s’en vont. "
Ne te plains pas. Si tu as recherché la bonté, atteints-là toi-même…
Ne te plains pas, mais ne lis pas la vie comme si ce n’était qu’un livre,
Juste un livre, loin de toi, comme s’il était question d’hommes étranges…
Sois toujours fier, mais pas arrogant (seuls les vaniteux sont arrogants,
Ton père agissait ainsi pour distinguer les sages des fous).
Sois toujours fier comme ton père, de n’avoir jamais ruiné la maison de quiconque,
De n’avoir jamais coupé un mot aimable, de n’avoir jamais enfermé un esprit aimable,
Puisque tu as marché droit dans ta vie, et si tu as entendu souvent cela,
C’est pour l’unique raison que des affaires mesquines n’ont jeté souvent
sur le marché que toutes sortes de foules bruyantes superficielles,
mais tu n’as pas de futilités, tu n’as même pas de fausse monnaie…
Tu es encore jeune, tu ne sais pas encore comment on doit regarder la vie elle-même.
Tu es encore jeune. Quand tu grandiras et deviendras un adulte mature,
Mes conseils te sembleront peut-être si vieux et inutiles,
Peut-être que dans la vie il n’y aura pas autant de blessures et de défauts.
Ah ! que Dieu veuille ! Je ne rêve jamais de rien d’autre dans cette vie,
(l’aveugle, mon fils, comme tu le sais bien, ne désire qu’une paire d’yeux).
Mes conseils, laisse-les vieillir… C’est seulement ainsi que la fleur meurt,
Quand sur l’arbre en été elle devient un fruit mûr.
Pour la cause du prochain feu, je suis prêt à brûler aujourd’hui,
Pour la cause de la vérité de demain, laisse-moi aujourd’hui être dans l’erreur…
Barouyr SEVAG
Poème arménien traduit en français par Louise Kiffer,
d’après la version anglaise de Shant norashkharian.
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mercredi 28 décembre 2011
vendredi 23 décembre 2011
A M I S
AMISSur le trottoir,
La vieille femme est assise
Devant une petite table.
Elle parle à son chien ;
Elle boit un café,
Elle lui donne des miettes
De son assiette en carton
" Croissant " dit-elle
Et le chien répond
Par un petit aboiement
Un éternuement
Qui ressemble exactement
Au mot " flocon ".
Ils se sourient,
Puis s’arrêtent un instant
Pour gratter leurs puces.
Le soleil se lève
Au-dessus du bâtiment de brique
En face dans la rue.
C’est un bon soleil
Plein de compréhension
et d’ancienne sagesse.
William MICHAELIAN
Traduit de l'anglais par Louise Kiffer
La vieille femme est assise
Devant une petite table.
Elle parle à son chien ;
Elle boit un café,
Elle lui donne des miettes
De son assiette en carton
" Croissant " dit-elle
Et le chien répond
Par un petit aboiement
Un éternuement
Qui ressemble exactement
Au mot " flocon ".
Ils se sourient,
Puis s’arrêtent un instant
Pour gratter leurs puces.
Le soleil se lève
Au-dessus du bâtiment de brique
En face dans la rue.
C’est un bon soleil
Plein de compréhension
et d’ancienne sagesse.
William MICHAELIAN
Traduit de l'anglais par Louise Kiffer
lundi 19 décembre 2011
LA LEGENDE ARMENIENNE
LA LEGENDE ARMENIENNE
La légende arménienne au coin de la misère,
Sur le disque cassé des nuits occidentales,
Dans les chambres d’hôtel aux murs des cathédrales,
La légende arménienne a bercé la lumière.
La légende arménienne aux lèvres de la mère,
Aux rêves de l’enfant dans les villes sans rues,
Dans les mains sans travail, dans les bouches vaincues,
La légende arménienne enterre sa misère.
C’est la légende aux trois mille ans des émigrés,
Chambres d’hôtel pavés de bois et de vieux ports,
Et les carreaux du ciel sur les fronts séparés,
Chambres d’hôtel des Arméniens et passeports.
La légende arménienne aux pas des capitales,
Aux doigts de la danseuse, au village oublié,
Sur les cordes du thâr, au village oublié,
La légende arménienne aux pas des capitales.
Plaines de l’Orient et les noms familiers
Dans les miroirs du temps sur les portes en croix
Dans les rires les pleurs les livres les cahiers
C’est la légende à la page une ou trente-trois.
C’est la même légende au fond des ressemblances
Dans les trois mille ans des trois millions de l’une ou l’autre
Dans l’une ou l’autre nuit au fond des espérances,
La légende arménienne est la nôtre et la vôtre.
La légende arménienne aux murs des cathédrales
Dans la seule montagne enterre sa misère.
La légende arménienne a le point de lumière
Et donne le soleil aux plans d’hydrocentrales.
Rouben MELIK (1921-2007)
Poète arménien francophone
La légende arménienne au coin de la misère,
Sur le disque cassé des nuits occidentales,
Dans les chambres d’hôtel aux murs des cathédrales,
La légende arménienne a bercé la lumière.
La légende arménienne aux lèvres de la mère,
Aux rêves de l’enfant dans les villes sans rues,
Dans les mains sans travail, dans les bouches vaincues,
La légende arménienne enterre sa misère.
C’est la légende aux trois mille ans des émigrés,
Chambres d’hôtel pavés de bois et de vieux ports,
Et les carreaux du ciel sur les fronts séparés,
Chambres d’hôtel des Arméniens et passeports.
La légende arménienne aux pas des capitales,
Aux doigts de la danseuse, au village oublié,
Sur les cordes du thâr, au village oublié,
La légende arménienne aux pas des capitales.
Plaines de l’Orient et les noms familiers
Dans les miroirs du temps sur les portes en croix
Dans les rires les pleurs les livres les cahiers
C’est la légende à la page une ou trente-trois.
C’est la même légende au fond des ressemblances
Dans les trois mille ans des trois millions de l’une ou l’autre
Dans l’une ou l’autre nuit au fond des espérances,
La légende arménienne est la nôtre et la vôtre.
La légende arménienne aux murs des cathédrales
Dans la seule montagne enterre sa misère.
La légende arménienne a le point de lumière
Et donne le soleil aux plans d’hydrocentrales.
Rouben MELIK (1921-2007)
Poète arménien francophone
dimanche 18 décembre 2011
LE CLOCHER QUI NE SE TAIT PAS
Le printemps est arrivé mais la neige est tombée
Ils ont poignardé, ils ont exterminé,
Ils ont coupé les têtes des grands et des petits,
Ils ont égorgé et martyrisé...
Ils ont détruit et brûlé...
Le sang et les larmes ont coulé
De la rougeur du sang, ils ont coloré les vallées et les montagnes
Ils ont détruit le ciel bleu
Ils ont tué notre peuple
Ils ont changé le pays plein de biens
En un pays des miettes ;
L'offrande sacrée, ils l'ont mise dans la bouche du chien ...
Ils ont voulu laisser un seul arménien
Ils l'ont voulu... Pour le musée.
Le printemps est arrivé mais la neige est tombée.
Barouyr SEVAGExtrait du poème de Barouyr Sevag : " Anleréli Zankagadoun "
Traduction Louise Kiffer
Ils ont poignardé, ils ont exterminé,
Ils ont coupé les têtes des grands et des petits,
Ils ont égorgé et martyrisé...
Ils ont détruit et brûlé...
Le sang et les larmes ont coulé
De la rougeur du sang, ils ont coloré les vallées et les montagnes
Ils ont détruit le ciel bleu
Ils ont tué notre peuple
Ils ont changé le pays plein de biens
En un pays des miettes ;
L'offrande sacrée, ils l'ont mise dans la bouche du chien ...
Ils ont voulu laisser un seul arménien
Ils l'ont voulu... Pour le musée.
Le printemps est arrivé mais la neige est tombée.
Barouyr SEVAGExtrait du poème de Barouyr Sevag : " Anleréli Zankagadoun "
Traduction Louise Kiffer
jeudi 15 décembre 2011
BERCEUSE
Viens mon rossignol,
laisse notre jardin,
Apporte par tes chants
le sommeil à mon fils.
Mais il pleure…toi, rossignol,
ne viens pas !
Mon enfant ne veut pas
devenir prêtre.
Viens, petit moineau,
laisse les champs les prés,
Berce mon fils, il a sommeil
Mais il pleure…Toi moineau,
ne viens pas
Mon enfant ne veut pas
devenir moine
Laisse, petit pigeon,
tes petits et ton nid,
Par tes roucoulements,
donne à mon fils
Un doux sommeil.
Mais il pleure…petit pigeon,
ne viens pas !
Mon enfant ne veut pas
porter le deuil.
Habile pie, aimant l’argent
Par tes propos de gains
Apporte le sommeil à mon enfant
Mais il pleure… pie, ne viens pas !
Mon enfant ne veut pas devenir
Un crève-la-faim.
Laisse ton gibier, viens,
vaillant faucon ;
C’est ton chant peut-être
Que veut mon enfant.
Dès l’arrivée du faucon,
Mon enfant s’est assoupi.
Au son des chants guerriers,
Il s’est endormi.
Kamar KATIBA (1830-1892)
(Raphael BAGDANIAN)
Traduction Louise Kiffer
mercredi 14 décembre 2011
AU VIEUX DOME DE L' ARARAT
Au vieux dôme de l’Ararat,
Un siècle est venu, comme une minute,
Puis est passé.
L’épée d’innombrables éclairs,
S’est brisée contre le diamant,
Puis est passée.
Le regard des générations paniquées devant la mort
S’est posé sur le sommet lumineux
Puis est passé.
C’est maintenant ton tour, un moment ;
Toi aussi regarde le front altier
Et passe…
Avedik ISSAHAKIAN (1875-1957)
mardi 13 décembre 2011
SEMAILLES
Sème, sème, même de l'autre côté de la frontière,
Sème comme des étoiles, comme des vagues !
Q'importe si les bouvreuils pillent tes grains,
Le Seigneur Dieu à la place sèmera des perles fines.
Daniel VAROUJAN (1884-1915)
Traduction Louise Kiffer
(extrait du ‘Chant du pain’)
lundi 12 décembre 2011
BONHEUR
Voilà que passe devant toi
une jolie jeune fille,
les cheveux au vent, les yeux brillants.
Un frisson agréable parcourt ton corps
Elle passe très vite à côté de toi;
un clin d'oeil magique
et sa trace est déjà perdue
dans l'épais brouillard.
Elle passe à côté de toi.
Unique souvenir, nostalgie ou douleur,
elle te laisse un fol espoir,
de la rencontrer encore un jour !
Traduction Louise Kiffer
dimanche 11 décembre 2011
JE VOUS PRIE
Je vous prie de ne pas craindre
Si les gens appellent ces ambitieux, simplement des ambitieux et pas des humbles,
Ceux qui sont des vauriens, simplement des vauriens et non pas des nobles;
Ceux qui sont distants, simplement distants et pas présents.
Je vous prie de ne jamais craindre
une parole franche prononcée
Une parole franche ne tue jamais personne
Elle ne fait qu'ouvrir une plaie cicatrisée.
Si tu es un enfant et si tu as faim,
Ne crains jamais de pleurer tout fort
Puisqu'un enfant qui ne crie pas tout fort
Personne ne lui donnera un sein à téter.
Ne craignez jamais de frotter une tasse rouillée,
Ne craignez rien, elle ne pourrira pas.
Ne craignez jamais d'écrire la vérité au sujet de ce qui est faux
Car faire cela ne va pas démentir ce qui est faux
Je vous prie de faire des maths juste pendant quelque temps
Mais à condition de ne pas additionner le juste à l'injuste
Mais de diviser l'injuste par le juste
De ne pas ajouter la sympathie au chagrin
Mais diviser la sympathie par le chagrin.
Ne vous vantez jamais de la question
Mais soyez fier de la solution
Avec entre parenthèses
Le reste et aussi le quotient.
Je vous prie de veiller aussi un peu au psychisme
Si un enfant avec sa triste chanson pleure la mort de ses parents
Je vous prie de ne jamais l'arrêter parce que sa chanson n'est pas assez bonne
Je vous prie de ne jamais m'embêter ni de m'impliquer
Avec de telles questions et d'autres semblables.
Barouïr SEVAG (1924-1972)
Traduction Louise Kiffer
Si les gens appellent ces ambitieux, simplement des ambitieux et pas des humbles,
Ceux qui sont des vauriens, simplement des vauriens et non pas des nobles;
Ceux qui sont distants, simplement distants et pas présents.
Je vous prie de ne jamais craindre
une parole franche prononcée
Une parole franche ne tue jamais personne
Elle ne fait qu'ouvrir une plaie cicatrisée.
Si tu es un enfant et si tu as faim,
Ne crains jamais de pleurer tout fort
Puisqu'un enfant qui ne crie pas tout fort
Personne ne lui donnera un sein à téter.
Ne craignez jamais de frotter une tasse rouillée,
Ne craignez rien, elle ne pourrira pas.
Ne craignez jamais d'écrire la vérité au sujet de ce qui est faux
Car faire cela ne va pas démentir ce qui est faux
Je vous prie de faire des maths juste pendant quelque temps
Mais à condition de ne pas additionner le juste à l'injuste
Mais de diviser l'injuste par le juste
De ne pas ajouter la sympathie au chagrin
Mais diviser la sympathie par le chagrin.
Ne vous vantez jamais de la question
Mais soyez fier de la solution
Avec entre parenthèses
Le reste et aussi le quotient.
Je vous prie de veiller aussi un peu au psychisme
Si un enfant avec sa triste chanson pleure la mort de ses parents
Je vous prie de ne jamais l'arrêter parce que sa chanson n'est pas assez bonne
Je vous prie de ne jamais m'embêter ni de m'impliquer
Avec de telles questions et d'autres semblables.
Barouïr SEVAG (1924-1972)
Traduction Louise Kiffer
samedi 10 décembre 2011
SI L’ ON ME DONNAIT UN DIADEME…
Si l’on me donnait un diadème et un sceptre de diamants
Je te les offrirais Arménie, reine des reines !
Si l’on me donnait un manteau de pourpre éclatant,
Je le jetterais sur ton épaule, ô ma mère, pauvre Arménie !
Si l’on me donnait le feu et la flamme des jours de ma jeunesse,
C’est à toi Arménie, que j’offrirais mon enthousiasme et mon extase !
Si l’on me donnait le cours infini des siècles, je te donnerais
Avec amour, Arménie, ma vie et mon âme !
Si l’on me donnait le cœur et l’amour d’une vierge
Au teint de lis, c’est toi que je choisirais, Arménie,
Unique amour de mon cœur !
Si l’on me donnait une couronne de perles pour mon front,
Je préférerais, Arménie, une larme de tes yeux !
Si l’on me donnait une fière liberté absolue, je préférerais encore,
Arménie, ton sublime esclavage !
Si l’on me donnait pour patrie la superbe Europe, c’est toi
Arménie que je demanderais avec toutes tes douleurs !
S’il m’était donné de choisir le séjour de mon cœur, je dirais
Que tes ruines, Arménie, sont le paradis pour moi !
Si l’on me donnait la lyre aux cordes de flamme de l’ange,
C’est toi, Arménie, que je chanterais de tout mon souffle !
Korène de LUSIGNAN (1831-1893)
(traduit en français par le poète Minas Tchéraz, en 1890)
Je te les offrirais Arménie, reine des reines !
Si l’on me donnait un manteau de pourpre éclatant,
Je le jetterais sur ton épaule, ô ma mère, pauvre Arménie !
Si l’on me donnait le feu et la flamme des jours de ma jeunesse,
C’est à toi Arménie, que j’offrirais mon enthousiasme et mon extase !
Si l’on me donnait le cours infini des siècles, je te donnerais
Avec amour, Arménie, ma vie et mon âme !
Si l’on me donnait le cœur et l’amour d’une vierge
Au teint de lis, c’est toi que je choisirais, Arménie,
Unique amour de mon cœur !
Si l’on me donnait une couronne de perles pour mon front,
Je préférerais, Arménie, une larme de tes yeux !
Si l’on me donnait une fière liberté absolue, je préférerais encore,
Arménie, ton sublime esclavage !
Si l’on me donnait pour patrie la superbe Europe, c’est toi
Arménie que je demanderais avec toutes tes douleurs !
S’il m’était donné de choisir le séjour de mon cœur, je dirais
Que tes ruines, Arménie, sont le paradis pour moi !
Si l’on me donnait la lyre aux cordes de flamme de l’ange,
C’est toi, Arménie, que je chanterais de tout mon souffle !
Korène de LUSIGNAN (1831-1893)
(traduit en français par le poète Minas Tchéraz, en 1890)
jeudi 8 décembre 2011
MOI J'AI AIME
MOI J’ AI AIME
Moi j'ai aimé, mais aucun
de ceux que j'ai aimés n'a su
combien je l'ai aimé…
Qui sait lire dans le cœur ?
Mes plus grandes joies,
Mes plus vifs chagrins,
ceux qui les ont inspirés, hélas,
ne me connaissent plus maintenant !
Mon amour, semble-t-il, était ce fleuve,
Dont le flot continu,
Venait des neiges de la montagne,
Et que la montagne n'a pas vu.
Mon amour était, semble-t-il, cette porte
Par où personne n'est entré.
Couvert de fleurs,
Mon amour était un jardin secret.
Et si certains ont vu mon amour
Dans le ciel infini,
Ils l'ont vu comme une fumée,
mais n'en ont pas vu le feu…
……………………………….
Moi j'ai aimé, mais aucun
de ceux que j'ai aimés n'a su
combien je l'ai aimé…
Qui sait lire dans le cœur ?
Vahan TEKEYAN (1878-1945)
Traduction Louise Kiffer
Moi j'ai aimé, mais aucun
de ceux que j'ai aimés n'a su
combien je l'ai aimé…
Qui sait lire dans le cœur ?
Mes plus grandes joies,
Mes plus vifs chagrins,
ceux qui les ont inspirés, hélas,
ne me connaissent plus maintenant !
Mon amour, semble-t-il, était ce fleuve,
Dont le flot continu,
Venait des neiges de la montagne,
Et que la montagne n'a pas vu.
Mon amour était, semble-t-il, cette porte
Par où personne n'est entré.
Couvert de fleurs,
Mon amour était un jardin secret.
Et si certains ont vu mon amour
Dans le ciel infini,
Ils l'ont vu comme une fumée,
mais n'en ont pas vu le feu…
……………………………….
Moi j'ai aimé, mais aucun
de ceux que j'ai aimés n'a su
combien je l'ai aimé…
Qui sait lire dans le cœur ?
Vahan TEKEYAN (1878-1945)
Traduction Louise Kiffer
mercredi 7 décembre 2011
DES YEUX COULEUR CENDRE
La terre d'Arménie ne m'a pas donné la beauté d'Arménienne des anciens
Ni taille haute, ni regard de feu,
ni les flammes dociles des tresses
Elle ne m'a gratifiée que d'une paire d'yeux profonds couleur cendre
Emplis de la cendre de ses siècles,
avec au fond les braises de l'inspiration.
Traduction Louise Kiffer
lundi 5 décembre 2011
METAMORPHOSE
Que ne suis-je la rose sur ton sein !
Que m’importe d’y vivre un seul matin !
Du moins je me flétrirais
Sous tes doux regard,
Je pâlirais sous la chaude haleine
De tes baisers
Et me dessécherais
Tout près des battements
De ton cœur.
Que m’importe d’y vivre
Un seul matin !
Artachés OHANESSIAN (1895-1939)
traduction Louise Kiffer
Que m’importe d’y vivre un seul matin !
Du moins je me flétrirais
Sous tes doux regard,
Je pâlirais sous la chaude haleine
De tes baisers
Et me dessécherais
Tout près des battements
De ton cœur.
Que m’importe d’y vivre
Un seul matin !
Artachés OHANESSIAN (1895-1939)
traduction Louise Kiffer
dimanche 4 décembre 2011
ATTENTE
Le crépuscule descend avec sérénité
Et moi je savoure
Le désir de te rencontrer…
Le désir…
Elle a tardé si longtemps !
La douceur s’est effondrée,
Et ma gorge brûle d’amertume…
Elle brûle…
O apparais dans le bois !
Méfie-toi du sommeil des ombres,
Et approche-toi avec hâte de ma solitude.
Mets fin à ma solitude…
A ma solitude…à mon attente…
Voilà, les lampadaires des trottoirs se sont allumés,
Avec la maturité automnale des branches,
Avec la douceur mûrie…
N’aies pas peur
Des rameaux mûrissants qui suintent…
Sois certaine qu’en tombant dans mes bras,
Et avec délicatesse,
Tu ne sentiras aucune chute…
Traduction Louise Kiffer
samedi 3 décembre 2011
S O I F
Mon âme écoute la mort du crépuscule,
Prosternée sur la terre lointaine de la souffrance,
Mon âme boit les plaies du crépucule et de la terre.
Et sent en elle la pluie de ses larmes . . .
Et tous les astres des vies massacrées
Si semblables à des regards éteints,
Ce soir, dans les baptistères de mon cœur,
Attendent, dans leur désespoir, leur réanimation.
Et tous les fantômes des morts, cette nuit,
Vont attendre l’aurore, avec mes yeux et mon âme,
Afin que pour assouvir la soif de leur vie,
Tombe peut-être sur eux, d’en haut, une goutte de lumière.
SIAMANTO (1878-1915)
(Adom Yardjanian)
Traduction Louise Kiffer
Source : " Araxe "
Du 25 avril 1954
Prosternée sur la terre lointaine de la souffrance,
Mon âme boit les plaies du crépucule et de la terre.
Et sent en elle la pluie de ses larmes . . .
Et tous les astres des vies massacrées
Si semblables à des regards éteints,
Ce soir, dans les baptistères de mon cœur,
Attendent, dans leur désespoir, leur réanimation.
Et tous les fantômes des morts, cette nuit,
Vont attendre l’aurore, avec mes yeux et mon âme,
Afin que pour assouvir la soif de leur vie,
Tombe peut-être sur eux, d’en haut, une goutte de lumière.
SIAMANTO (1878-1915)
(Adom Yardjanian)
Traduction Louise Kiffer
Source : " Araxe "
Du 25 avril 1954
jeudi 1 décembre 2011
MA DOUCE MAMAN
Moi j'aime ton visage, ton visage, ma douce maman, le calme de tes yeux,
si bons et si doux, moi j'aime ton front, ton front ridé depuis longtemps,
et tes cheveux argentés, tes cheveux, ma douce maman.
Moi j'aime tes mains rayées du bleu de tes veines, les rides de ton visage,
de ton visage, ma douce maman, bien que déjà vieillie, tellement usée, pourtant encore dans la tête les mille soucis du lendemain.
Comment peux-tu dans ton cœur faire tenir tout un ciel ? comment peux-tu dans ton sourire faire tenir tout le soleil ? Comment ? Comment peux-tu ? Comment, ma douce maman ? dans une goutte de tes larmes, faire tenir tout ton cœur .
Tes enfants, hier encore, accouraient sur tes genoux, et puis encore bruyamment s'échappaient de tes bras. Aujourd'hui ce sont tes petits-enfants qui viennent, comme le jeu des jours anciens, comme le jeu des vagues bleuâtres accourant vers la rive.
Quand tu es silencieuse et assise, un châle jeté sur tes épaules, c'est le fil de tes souvenirs que tu enroules autour du fuseau des jours anciens, tu évoques la maison paternelle, les chemins ensoleillés où tu passais en dansant avec les vents légers.
Et tu revois les blés dorés dans les champs, le clocher du monastère, comme s'il était toujours au loin. Et tu te rappelles comment mon père, amoureux de toi, par le chemin des vignes, venait toujours derrière toi.
Et tu racontes comment le soleil là-bas, était tout autre. Le parfum des fleurs,
le goût des herbes, étaient tout autres. Et le son de la cloche du monastère, sous la montagne, était tout autre. Hélas, c'était tout autre, tout autre, même le goût du pain était tout autre.
Et tu racontes qu'il n'y avait pas, dans le monde entier, il n'y en avait pas deux
Qui récitaient des poèmes d'une voix retentissante comme Alexanents, pas
deux comme le pharmacien Lokman avec ses remèdes, comme l'instituteur Avakents, comme David habile et vigoureux qui arrachait les arbres
par leurs racines, il n'y avait pas, il n'y avait pas un vieux sage savant comme Maroukents.
Maintenant, vieillie depuis longtemps, un châle jeté sur tes épaules,
Tu racontes à tes petits-enfants, les contes de tes souvenirs. Et tu te rappelles, tu te rappelles, combien c'était réel.
Ton conte ensoleillé, aux mille couleurs.
J'ai erré de pays en pays, je suis passé par beaucoup de chemins, j'ai vu les privations, j'ai vu la souffrance, j'ai vu aussi l'amour et la gaîté,
mais je n'ai pas vu, je n'ai pas trouvé un seul cœur aussi vaillant,
une âme aussi vaillante que la tienne, ma douce et bonne maman.
HAMASDEGH (1895-1966)
Traduction Louise Kiffer
si bons et si doux, moi j'aime ton front, ton front ridé depuis longtemps,
et tes cheveux argentés, tes cheveux, ma douce maman.
Moi j'aime tes mains rayées du bleu de tes veines, les rides de ton visage,
de ton visage, ma douce maman, bien que déjà vieillie, tellement usée, pourtant encore dans la tête les mille soucis du lendemain.
Comment peux-tu dans ton cœur faire tenir tout un ciel ? comment peux-tu dans ton sourire faire tenir tout le soleil ? Comment ? Comment peux-tu ? Comment, ma douce maman ? dans une goutte de tes larmes, faire tenir tout ton cœur .
Tes enfants, hier encore, accouraient sur tes genoux, et puis encore bruyamment s'échappaient de tes bras. Aujourd'hui ce sont tes petits-enfants qui viennent, comme le jeu des jours anciens, comme le jeu des vagues bleuâtres accourant vers la rive.
Quand tu es silencieuse et assise, un châle jeté sur tes épaules, c'est le fil de tes souvenirs que tu enroules autour du fuseau des jours anciens, tu évoques la maison paternelle, les chemins ensoleillés où tu passais en dansant avec les vents légers.
Et tu revois les blés dorés dans les champs, le clocher du monastère, comme s'il était toujours au loin. Et tu te rappelles comment mon père, amoureux de toi, par le chemin des vignes, venait toujours derrière toi.
Et tu racontes comment le soleil là-bas, était tout autre. Le parfum des fleurs,
le goût des herbes, étaient tout autres. Et le son de la cloche du monastère, sous la montagne, était tout autre. Hélas, c'était tout autre, tout autre, même le goût du pain était tout autre.
Et tu racontes qu'il n'y avait pas, dans le monde entier, il n'y en avait pas deux
Qui récitaient des poèmes d'une voix retentissante comme Alexanents, pas
deux comme le pharmacien Lokman avec ses remèdes, comme l'instituteur Avakents, comme David habile et vigoureux qui arrachait les arbres
par leurs racines, il n'y avait pas, il n'y avait pas un vieux sage savant comme Maroukents.
Maintenant, vieillie depuis longtemps, un châle jeté sur tes épaules,
Tu racontes à tes petits-enfants, les contes de tes souvenirs. Et tu te rappelles, tu te rappelles, combien c'était réel.
Ton conte ensoleillé, aux mille couleurs.
J'ai erré de pays en pays, je suis passé par beaucoup de chemins, j'ai vu les privations, j'ai vu la souffrance, j'ai vu aussi l'amour et la gaîté,
mais je n'ai pas vu, je n'ai pas trouvé un seul cœur aussi vaillant,
une âme aussi vaillante que la tienne, ma douce et bonne maman.
HAMASDEGH (1895-1966)
Traduction Louise Kiffer
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