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lundi 24 octobre 2011

A ma petite colombe

Belle, belle, belle, rose de mon Printemps,
Qui t’es ouverte sur mon cœur,
Et a déployé avec toi  en mon âme affligée
Un nouveau rêve resplendissant.

Le vieux berceau qui, tel un vase abandonné,
Devenait une paillasse pour l’araignée,
A repris vie avec tes gazouillements, comme un nid
S’est enjolivé de nouveau.

Un soleil neuf, avec les rayons de tes yeux,
Sur mon seuil s’est éclos,
Et dans sa cage ma perdrix blessée,
A entonné un chant convoité.

Toi, de chambre en chambre tu t’es envolée légèrement
Comme un oisillon tombé du nid,
Enchantés par ta voix sont arrivés dans ma maisonnnette
Des séraphins lumineux.

Belle, belle, belle, rose de mon Printemps,
Viens t’asseoir sur mes genoux,
Qu’un doux clair de lune inonde ma poitrine
De tes soyeux cheveux dorés.

Enchaîne mon cou de tes bras délicats
Semblables à un collier de fleurs ;
Souris-moi, pour que le froid chaos de mon cœur,
S’embrase avec l’aurore.

Parle-moi, avec le langage inconnu, que toi
Tu as apporté du ciel avec toi,
La rose déploie son chatoiement, et la lèvre de l’enfant
Le rouge du doigt divin.

Vois comme le clair de lune me regarde
Au fond du sépulcre ténébreux ;
Mon amour mort va ressusciter
Et va vivre pour toi.

Pour toi, dont la chair est constituée
De pétales de lys,
Dont les manches de chemise embaumées d’huile sainte
Sont tissées selon l’image des papillons.

Pour toi, ô mon poème immortel
Que j’ai conçu avec mon sang,
Que j’ai chanté en pinçant les cordes de mon cœur,
La corde la plus sensible.

Seule ta main me fait tenir debout
Sur les sables de ma gloire
Et un seul de tes cheveux suffit à attacher
Mon âme à l’univers.

Ma petite Colombe, ma tendre déesse,
Qui…chante ta douce âme,
Laisse mes larmes qui coulent sur tes joues
Devenir des rires ou des rubis.

Que tes pupilles pulvérisent les astres du ciel
Sur mon front ridé !
Qui a tenu au-dessus de lui, comme une couronne
Les profondes blessures de mon cœur.

Car moi je suis le néant devenu heureux
A la lumière d’un ver luisant.
Je suis le désert, qui sourit au ciel,
Pour sa plante qui a germé.

Daniel Varoujan
traduit de l'arménien par Louise Kiffer

Ce poème est dédié à sa fille âgée de un an qui l’appelait déjà « Hayrig » (Petit père)
* * *
Note : Daniel Varoujan - Tchiboukérian (1884-1915) est l’un de nos plus grands poètes arméniens. Dans la nuit du 11 avril 1915 il a été arrêté avec les intellectuels arméniens de Constantinople. Déporté dans les déserts, il a été sauvagement assassiné le 24 août 1915.
Sa fille unique, Véronica Safrasian – Tchiboukérian était née à Peternik, un village de Sébastia, le 6 juin 1910. Après la mort de son père, elle fit ses études à Genève, puis elle alla aux USA en 1930. Elle devint bibliothécaire à New-York jusqu’en 1982. Elle est décédée  le 2 février 2009 à Purdys, N.Y à l’âge de 98 ans.