DANS LE JARDIN DE L' ENFANCE
Au milieu d'un parc princier et très ancien,
Elancé près du miroir immaculé d'un bassin,
Comme la statue d'un petit archer souriant, plein d'espérance,
Je vois au loin l'espoir de mon enfance…
A part moi, très peu de gens, à peine ma vieille maman,
Connaissent le chemin qui mène à ce jardin abandonné,
Où nous allons encore, quelquefois, chacun son jour,
Ramasser les vieilles fleurs séchées…
Mais plus que les parterres de roses méprisées,
Ce qui m'attire là-bas et que personne ne sait,
C'est la petite statue de mon espoir, debout près de l'eau claire,
Et sous la voûte du ciel pur.
Avec mon enfance, je me rappelle, c'était un joli bambin,
J'aimais le tapement vigoureux de ses pieds au moment du départ,
L'accentuant ainsi de tout son corps vers le ciel,
Comme s'il était lui-même la flèche de son arc…
Allongeant le bras en avant, dans la petite paume de sa main
On aurait cru qu'il cachait les clés inconnues de mon avenir,
Le cellier infini de mon avenir,
Dont je distinguais les portes au loin.
Elle est encore là-bas dans ce jardin, la belle statue de mon espoir,
Elancée près du miroir immaculé du bassin,
Où je vais encore, quelquefois, admirer sa taille, entourée
Des mauvaises herbes humides de mes souvenirs…
Renversé, c'est l'ange tombé du zénith,
C'est la flèche qui est revenue, n'ayant pas encore touché le ciel,
Et l'avenir, dont il avait les clés,
Reste à présent dans le passé, abandonné…
Vahan TEKEYAN (1878-1945)
Traduction Louise Kiffer